Les Chroniques du Vieux Bleu – PREMIER AGE DU SPORT COLOMBOPHILE

PREMIER AGE DU SPORT COLOMBOPHILE

 

Par Vieux Bleu

 

Lors d’une récente conférence donnée au profit du club Flandres-Lys des longues distances de Hazebrouck en France, j’ai évoqué le souvenir de deux amis disparus, qui avaient marqué mon parcours colombophile. Le premier n’est autre qu’Alfred Demortier, ancien vainqueur international de Libourne et ami d’Ernest Duray, le grand champion d’Ecaussines. Le second est le regretté Général Popescu, seul colombophile à avoir conservé intacte la lignée Bricoux depuis 1938.

Tous deux partageaient l’idée que le passé nourrit le présent dans le but de mieux préparer l’avenir. Tous deux s’accordaient à dire que ceux qui méprisent le passé n’ont pas le droit de prétendre s’occuper du futur. Trop souvent, dans nos cercles colombophiles, nous avons perdu la tradition orale, les anecdotes du passé et les souvenirs d’antan hérités de nos anciens. Trop souvent, nous ne connaissons plus l’origine de notre sport, ni ses grands faits marquants depuis deux siècles. Aussi, avant que les derniers souvenirs ne s’effacent des mémoires pour disparaître à jamais, j’ai tenu à collationner depuis plus de quarante ans la petite et la grande histoire de l’âge d’or colombophile. En voici quelques extraits. Puissent ceux-ci vous distraire, vous intéresser et vous pousser également à devenir, à votre tour, des passeurs d’histoire.

 

Vive les quatre points cardinaux !

 

Tous les premiers ouvrages traitant du sport colombophile, publiés en langue française au XIXe siècle, nous renvoient systématiquement aux conséquences de la révolution française avec l’instauration d’un pouvoir fidèle à Napoléon Bonaparte dans l’ancienne Principauté de Liège (1790-1815).

C’est à cette époque que l’organisation des premiers concours colombophiles a été entreprise dans certaines auberges-relais de Liège et de Herve, profitant des malles-postes, diligences et autres charrois en partance pour les foires commerciales aux quatre points cardinaux du premier Empire français. D’abord sur de petites distances avec des lâchers à partir de Maastricht, Amsterdam (route du nord), Spa, Aix-la-Chapelle et Cologne (route de l’est), Gand et Anvers (route du nord-ouest), Givet (route du sud-ouest) et Metz (route du sud-est) Puis bien plus loin, à partir de Paris (sud-ouest) et enfin Lyon (550 km – ligne du Rhône) en 1811, d’où furent battus les premiers records de retour.

Après la bataille de Waterloo en 1815 et jusqu’à l’Indépendance de la Belgique en septembre 1830, de nombreux essais furent réalisés avec des lâchers à Francfort (est), Angers, Bordeaux et Bayonne (sud-ouest), Londres (ouest), Lyon (à nouveau ligne du Rhône) et Hambourg (nord).

Trop souvent de nos jours, les amateurs sont persuadés, sinon intimement convaincus, que leurs pigeons ne peuvent voler que du sud-ouest vers le nord-ouest, dans le sens des vents dominants soufflant de l’Atlantique. Nos ancêtres colombophiles d’il y a deux siècles, plus que nous, n’étaient-ils pas en réalité mieux au fait du potentiel de nos pigeons voyageurs ?

 

Au commencement était l’ancienne race du pigeon camus

 

Le Docteur Chapuis, premier hagiographe du sport colombophile, écrivait dans son ouvrage de référence Le Pigeon Voyageur Belge, publié en 1865, que les plus vieux colombophiles qu’il avait rencontrés, évoquaient une ancienne race de pigeon, datant de l’ancien régime du temps de la Principauté de Liège et disparue depuis, celle du pigeon camus, dont la grande capacité de navigation aérienne et la ténacité étaient louées au plus haut point. Le pigeon camus avait été à la base de la création du pigeon voyageur liégeois, certes recroisé avec le « chesturlet » (pigeon biset des châteaux), le cravaté français introduit à l’époque de l’occupation française, le haut-volant (ancêtre du Tippler) et occasionnellement le culbutant. Ce même pigeon camus, tel que décrit dans l’ouvrage de Chapuis, n’avait jamais été immortalisé sous forme de peinture, ni encore moins de photographie. Il n’en demeure pas moins qu’il peut être finalement identifié dans les traités de colombophilie du XVIIIe siècle sous les traits du pigeon dit polonais.

En l’espace d’une quarantaine d’années (1800-1840), suite aux croisements successifs largement dominés par l’introduction du cravaté français, les formes de l’ancien pigeon camus se sont affinées et ses teintes de plumage ont varié tout en s’éclaircissant. Toutefois, il a conservé ses capacités exceptionnelles de navigation sur les longues distances.

La mise en parallèle de la représentation du pigeon camus dit polonais du XVIIIe siècle, celle du fameux Blanc Dedoyard, un blanc mouhy cravaté de 1841 (fondateur de la lignée Hansenne, de Verviers) et celle du vainqueur d’Angoulème de 1852 à Aix-la-Chapelle chez nos voisins allemands, résume au mieux cette rapide évolution qui amènera les Liégeois à organiser le premier concours de Rome en 1856.

Mais ceci est une autre histoire, comme dirait Kipling.

 

 

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