Par les temps de froidure et de pluie que
nous venons de connaître, les pertes de pigeons manquant
d'expérience se sont multipliées. Certains rentrent en
triste état ou sont rapatriés et l'amateur souhaite retaper
rapidement ces éléments de manière à les remettre en
compétition ou tout au moins à l'entraînement le plus vite
possible.
D'abord le pigeon souffre le plus souvent de
dénutrition. II n'y a actuellement rien à manger dans les
champs (sinon quelques graines traitées plus ou moins
chimiquement), les fermes où l'on jette du grain aux
volailles deviennent de plus en plus rares. Le pigeon va
devoir refaire muscles et réserves dans les meilleurs
délais.
Ensuite, le pigeon malnutrit, donc en état de
moindre défense organique, risque de préparer une crise
parasitaire ou microbienne (trichomonase ‑ coccidiose le
plus souvent).
Et aussi, il a pu absorber des toxiques
insecticides, fongicides avec lesquels sont protégées les
graines de semence qu'il a pu glaner çà et là pour se
sustenter. Ou absorber des eaux douteuses pour s'abreuver.
Enfin, il a pu être blessé. Le vol très bas
et très rapide par vent poussant est dangereux, fils,
clôtures et même murs constituant d'innombrables obstacles
et provoquant beaucoup d'accidents.
Voyons donc ces choses dans l'ordre de
l'urgence de l'intervention.
L'amateur
trouve son égaré au colombier, le prend en mains et
l'inspecte minutieusement. S'il est blessé, c'est la
première urgence. La blessure est sèche. II faut enlever les
croûtes pour apprécier les dégâts. Pour cela, un bain tiède
prolongé (on met le pigeon dans 15 cm d'eau tiède dans un
petit bassin ou une vieille marmite, que l'on couvre et on
l'y laisse 1 h). Quand on le sort, les croûtes partent très
facilement avec un petit morceau de chiffon ou de gaze. La
blessure apparaît. Si c'est une coupure, les 2 lèvres de la
plaie se sont écartées et il faut les suturer. D'abord
nettoyer soigneusement, puis saupoudrer un peu de poudre
antibiotique et ensuite coudre à points séparés avec du
coton à repriser ou du cordonnet de soie (non coupants). Si
c'est du muscle et de la peau, on coud tout en un seul plan.
S'il s'agit du jabot, il faut doucement
séparer la paroi
du jabot de la peau et coudre le jabot d'abord (on peut
faire un surjet serré) appliquer la poudre antibiotique puis
coudre la peau. Bien sûr, les alentours de ces plaies sont
nettoyés et débarrassés des plumes de couverture gênantes
avant tout essai de suture. Les fils seront enlevés 8
jours plus tard.
Le pigeon peut
aussi avoir une patte cassée. II faut lui mettre une attelle
qui maintienne obligatoirement au moins 3 articulations dans
l'immobilité pendant 15 jours. Le mieux est la gouttière
faite d'un tube plastique gros comme un doigt humain, ouvert
sur toute sa longueur et s'appuyant en bas sur la bague ou
l'articulation du pied (coussinet). Ce tube est maintenu par
du ruban adhésif, bien serré et le pigeon mis dans une case
à part, tranquille.
Le choc subi a
souvent provoqué un hématome, c'est‑à‑dire un épanchement de
sang sous la peau. Cela apparaît bleu noir puis vert puis
jaune. C'est toujours une erreur de chercher à vider cet
épanchement sanguin. On risque de faire redémarrer
l'hémorragie, de provoquer une infection (le sang est un
milieu idéal pour les microbes) et on ne gagne rien dans le
temps de la convalescence.
Enfin, si les
blessures sont graves, il est bon de donner quelques jours
d'antibiotiques soit par l'eau de boisson, soit en comprimés
par le bec afin d'éviter toutes complications.
Certains pigeons
sont récupérés « mazoutés ». Ils sont allés boire dans une
flaque d'eau sur laquelle surnageait du fuel, brillant au
soleil. Si ça n'est que la tête, ça n'est pas grave et mieux
vaut ne rien faire. Mais quelquefois l'abreuvoir ayant des
parois verticales, le pigeon a dû y entrer tout entier et se
trouve ainsi totalement enduit ou presque. Les plumes y ont
perdu leur souplesse, se sont mises en paquets collants
rendant le vol très difficile. II faut d'abord enduire le
pigeon, en tamponnant doucement avec un chiffon imbibé
d'huile à salade qui dissout et absorbe le mazout. Quand le
plus gros est enlevé, on baigne le pigeon (comme indiqué
plus haut) dans une vieille marmite avec 15 à 18 cm d'eau
tiède dans laquelle on aura ajouté un tensioactif médical (Hexomédine
‑ Dermacid ‑ etc.). On y laissera le pigeon 1 heure. Après
quoi le pigeon sera abondamment rincé à l'eau tiède. II
faudra plusieurs semaines avant que le « poudrage » des
plumes soit totalement reconstitué.
S'il y a des
signes d'empoisonnement, c'est plus compliqué parce qu'il
s'agit d'une intoxication déjà ancienne (plusieurs jours)
mais d'une gravité relative (sinon le pigeon n'aurait pu
rentrer). Une fois de plus, disons que le lait n'est pas un
contrepoison et ne fait généralement qu'aggraver les choses.
Contre ces intoxications anciennes, on ne peut que protéger
et retaper intestin, foie et reins. C'est‑à‑dire qu'il faut
donner acides aminés soufrés (méthionine ‑ Cystine) et des
toniques du foie et des reins (boldo ‑salsepareille ‑ reine
des prés).
Et puis il y a
la reconstitution des réserves. Cela suppose la
reconstitution de l'appareil musculaire, du foie pour la
mise en réserve énergétique (glycogène). La prise en mains
donnera une idée de l'état de corps de l'oiseau. Pour
refaire ses muscles, il faut des féveroles, des pois, dis
vesces. On donnera donc un mélange très riche en
légumineuses dans les premiers jours, jusqu'à reprise de
poids et de muscles. La surveillance des fientes s'impose :
la persistance de diarrhée liée à une difficulté à reprendre
de l'état signe une déficience, « foie ‑ reins ‑ intestins »
qu'il faut d'abord soigner avec un complexe antiparasitaire
et antünfectieux et les médicaments du foie, des reins et de
l'intestin que nous avons désignés plus haut, à propos des
empoisonnements. Ce n'est qu'après que le pigeon sera en
mesure de reconstituer ses aptitudes athlétiques.
Tous les colombophiles savent maintenant,
grâce à de remarquables articles récents, que l'orientation
du pigeon met en cause, non seulement des mécanismes
classiques (vue, etc.) mais encore des phénomènes
magnétiques d'une extrême complexité dont on commence
seulement à avoir notion. Par définition, un égaré, et
surtout un égaré rapatrié par train ou auto, est un pigeon
dont la « boussole » est déréglée. Si aucune statistique
n'existe sur ce problème, il est hors de doute qu'un pigeon
rapatrié a besoin d'un temps certain pour se remettre à la
longueur d'onde de son colombier. On est presque au problème
physiologique de l'adduction. Le rapatrié même en excellent
état apparent ne doit être remis en route qu'après quelques
tests d'orientation à quelques kilomètres, montrant qu'il a
parfaitement récupéré aussi sur le plan psychique et mental.
Dr
Jean‑Pierre STOSSKOPF
Reproduction
interdite sauf autorisation.
Retour au
' Coin du Véto'